Bien avant la sortie de la dictature de Duvalier en 1986, l’on s’habitue au fur à mesure à écouter, lire ou regarder dans les médias traditionnels des politologues toujours appelés en renfort ou qui se proposent directement pour une explication de l’actualité politique. Mais peu de philosophes politiques sont connus dans notre milieu pour des compétences et connaissances en politique à même d’apporter un éclairage complémentaire de ce que peuvent être les propos d’un politologue. Le débat pourrait s’ouvrir sur trois concepts qui exigeraient tout un quinquennat de réflexions vers la validation d’un document scientifiquement pertinent : connaissances, compétences, diplôme. Est-ce que le diplômé a les connaissances et les compétences nécessaires pour bénéficier de la confiance de ceux qui cherchent à mieux comprendre les réalités observées et observables? De quoi parle-t-on quand on parle de « politique »? Parle-t-on du politique ou de la politique? Quel est le rôle de la philosophie politique? Nous avons produit ces lignes en nous appuyant essentiellement sur les propos de Marcel Gauchet à travers La condition politique.
Quand on dit politique, on dit société, échanges, justice, droit et Etat. La politique est ainsi définie dans la conception de Marcel Gauchet comme l’organisation méthodique, théorique et éventuellement pratique des actions d’un gouvernement au pouvoir sur des bases conceptuelles définies et finalisées en vue de maintenir l’équilibre social nécessaire au développement optimal et à la cohérence d’un ensemble territorial et de sa population, ainsi qu’à l’évolution de leurs rapports avec d’autres ensembles gouvernés. La philosophie politique a toujours posé le problème de l’action politique. Objectivement, il s’agit de la valeur des gouvernements : comment les concevoir pour qu’ils soient au service des vrais besoins de l’humanité ? L’on comprend par là que la philosophie politique n’est pas une technique de l’action politique[1]. Pour Gauchet, la philosophie politique porte sur deux problèmes principaux à partir de la question sur sa nature : a) est-elle un art ou une science théorique ? b) peut-on concevoir et construire une politique idéale ou parfaite c’est-à-dire une cité conforme à un idéal de justice et de raison ? Malgré la vaste littérature dans le domaine sur ces questions et les multiples efforts des théoriciens pour trouver des réponses, des problématiques nouvelles s’imposent. Gauchet se propose comme un généalogiste de notre condition moderne [2] et présente les tâches de la philosophie politique.
Trois termes issus du Grec se battent dans les textes scientifiques pour avoir la parenté du terme français « politique » : polis, politikos et politikê. « Polis » signifie « cité organisée », « politikos » signifie « de la cité » et « politikê » signifie « science des affaires de la cité ». Ce mot est donc à l’origine un adjectif et, d’après son étymologie, il signifie « qui concerne le citoyen ». Par définition on serait tenté de dire que la politique est l’ensemble des pratiques, des faits, des institutions et des décisions d’un gouvernement, d’un état ou d’une société. Le mot « politique » a commencé à être employé dans son sens actuel au 13e siècle (ap. J.C.) : il signifie alors « science du gouvernement de l’état ». En 1361, sa définition s’élargit aux affaires publiques, et en 1552 la politique regroupe les affaires de l’Etat. Apparaît ensuite le terme d’ «homme politique». Dans les années 1630, l’adjectif « politique » connaît une évolution de sens important et peut signifier « prudent et adroit », d’où est née l’expression « politiquement correct ».
La politique est un trait permanent de la condition humaine. En ce sens, depuis qu’il y a philosophie, il y a philosophie politique. Pour asseoir ses idées, Marcel Gauchet part du questionnement : comment penser la démocratie comme fait politique si elle ne se dissout pas dans l’économie capitaliste et dans les rapports de force de la société bourgeoise ? Il part du principe que la conjoncture politique est faite du doute suivant : si on doit se débarrasser définitivement et radicalement du capitalisme, que met-on à la place ?
La philosophie politique accompagne la montée du droit qui est sociologiquement liée à l’affirmation de l’individu. Intellectuellement, enfin, l’actualité de la philosophie politique doit beaucoup à la crise des sciences sociales, à la crise du concept de société, de ses pouvoirs explicatifs et de ses capacités à guider l’action politique.
La philosophie politique évolue avec le temps, les nouveaux concepts et les mutations sociétales. Elle n’est pas sans une modernité qui se fait selon trois étapes :
- Irruption d’une vue réaliste de la chose politique au XVIème siècle ; elle se marque dans l’apparition d’un nouveau regard sur la réalité de la politique ; à la mesure d’une réalité politique nouvelle ;
- Introduction au XVIIème siècle, d’une démarche nouvelle de fondation en droit de l’ordre politique sur la base d’une conception du droit elle-même essentiellement renouvelée ; le pas du contrat social[3]
- Emergence, au XIXème siècle, du point de vue de l’histoire, point de vue qui modifie entièrement le statut de l’intelligence du politique-doublement, d’abord en faisant du politique un problème à résoudre dans et par l’histoire, ensuite en soumettant la politique à une critique radicale au nom de l’allusion qu’il représenterait.
La politique est encadrée et réglée par des normes juridiques bien définies. C’est ainsi que sa modernité se déploie en trois vagues :
a).- concepts de la politique : N. Machiavel[4]
Machiavel parle de politique pure, politique réalistement regardée en elle-même et sans autre fin qu’elle-même, hors de toute considération morale et religieuse[5]. Le chef ou le pouvoir politique doit passer au-dessus des autorités ecclésiastiques et se subordonner les choses sacrées. L’Etat souverain est doté d’une suprématie métaphysiquement absolue, à l’échelle de la sphère humaine, en commandant aux ministres du divin. Il place la politique en dehors de toute morale et en dehors de toute logique. La position de Machiavel ne se suffit pas à elle-même. Il sait que le politique existe. Sa conception est la suivante : vous voulez le pouvoir, prenez-le par tous les moyens. Cela ne signifie pas pour autant que la prise du pouvoir ne respecte pas l’ordre politique. La dimension pragmatique de la prise du pouvoir selon Machiavel peut être comprise de deux façons différentes. Premièrement, il y a l’ensemble de techniques et de manœuvres pour la prise et la conservation du pouvoir. Deuxièmement, Machiavel enseigne sur le fait qu’il ne convient pas d’examiner la politique sous les rapports de la justice et de la morale. En fait, l’art de gouverner la cité répond à une mise en pratique de quelques principes qui ne relèvent ni de la morale, ni de la justice.
b).-justification de la politique : T. Hobbes (Le Léviathan)[6]
Hobbes introduit un nouveau principe de composition, en droit, de toute communauté politique concevable, qui se résume en une très simple proposition : il n’y a que des individus. L’enjeu philosophique du droit naturel moderne, de Grotius et Hobbes à Rousseau, va être de la redéfinition du politique selon le sujet, doublement, du côté de l’élément politique, le citoyen, sous l’aspect du sujet du droit individuel. Mais aussi du côté de l’ensemble politique, de la communauté politique, sous l’aspect du sujet politique collectif.
c).-milieu dans lequel la politique se réalise : Hegel[7]
Hegel parle de la secondarisation du politique. Le point de vue du politique est le point de vue de l’organisation d’ensemble et de la communauté humaine. Hegel maintient l’idée ancienne du primat organisateur du politique. Le politique continue d’appartenir à l’univers intellectuel du droit naturel moderne et il amène au jour les instruments intellectuels qui vont permettre de le renverser. Chez les libéraux, le pouvoir politique est déchu de son statut de cause pour être assigné au rang d’effet, ensuite le politique cesse d’être conçu comme organisateur pour n’être plus considéré que comme un produit second de la société. Avec Hegel, le détrônement du politique atteint son point extrême avec sa relégation au rang de superstructure essentiellement répressive par rapport à l’infrastructure constituante représentée par le mode de production.
Après avoir considéré ces trois théoriciens de la philosophie politique, Marcel Gauchet tente de répondre à cette question : quelle est la nature de la démocratie ?
Il pense que la démocratie suppose pour apparaitre et se développer une forme extrêmement particulière de communauté politique rendant concevables ces deux choses hautement improbable à l’aune de ce dont les millénaires de l’histoire humaine nous offrent le spectacle à savoir : un pouvoir collectivement appropriable et un lien collectif individualisable. Les hommes existent d’abord et se lient ensuite. De ce pas, l’état-nation est la mise en forme du politique qui correspond à la sortie de la religion. Elle consiste fondamentalement dans la construction d’une forme d’unité alternative par rapport à l’unité religieuse, alternative faisant passer par le politique, justement, ce qui passait par la religion. En fait, l’état-nation est la forme politique qui rend concevable et praticable la révolution de l’histoire, c’est-à-dire l’assomption d’un passé commun en vue d’un futur voulu ensemble. Ainsi la démocratie poursuit son œuvre patiente d’accommodement entre le droit et le politique à la fois relativement complices
Différence entre le politique et la politique
Il importe de faire la différence entre le politique et la politique, cette différence s’avère importante dans un contexte où beaucoup de beaux-parleurs dans les médias haïtiens s’octroient le titre l’expertise « analyse politique » ou « leader d’opinion ». Le problème ne se trouve pas tant dans le titre qu’ils s’octroient mais dans une maîtrise imparfaite des notions élémentaires de politique en tant que « science ». Le politique est la désignation de l’essence politique de l’ensemble des sociétés humaines. Le politique nait et trouve sa nécessité dans la crise d’un nouveau genre vers laquelle se dirigent nos démocraties triomphantes. Le politique impose à la politique des limites pour lui donner les moyens de poursuivre sa tâche spécifique de réalisation du droit. Le politique fait le travail d’institution entre nature et artifice, qui fait la spécificité des communautés humaines. Il est ce nœud qui donne aux hommes une certaine puissance sur le monde qui les transcende. Le politique institue. Le politique est l’organisation de la discontinuité des unités humaines. L’enjeu du politique est transcendantal. (On ne peut l’expérimenter qu’à l’intérieur des concepts transcendantaux d’espace et de temps)[8]. Le politique vise ce qui permet à l’homme de sortir de l’état de nature.
La politique désigne la spécificité de la politique démocratique. La politique est le visage que prend le politique dans notre société. Les manifestations des opinions, le débat public, la désignation des gouvernants par le suffrage, le domaine d’application et de la réalisation du droit appartiennent à la politique. La politique délibère.
D’une façon plus simple, on pourrait dire que le politique est l’ensemble du domaine des institutions, distingué d’autres aspects de la réalité sociale, en particulier de la sphère économique. Et la politique est l’art de gouverner la cité, de diriger l’Etat. Le mot politique employé dans le contexte marxiste doit être compris dans le sens du politique. Marcel Gauchet, à qui on avait demandé pourquoi une telle insistance sur la différence entre le politique et la politique a répondu à la revue Philosophie Mag : « La politique est une chose récente. Elle désigne les activités qui tournent autour du pouvoir par représentation qui est le pouvoir légitime dans nos sociétés : le pouvoir vient de l’élection par les citoyens. Cela suppose toute une série de conditions (de la liberté de la presse à l’existence de partis et à la discussion publique). Les sociétés libérales voudraient tout ramener à la politique. Dans ce schéma, les libertés individuelles produisent un pouvoir qui les représente tout en étant lui-même limité par ces libertés premières. Ce sont les libertés individuelles qui font l’essentiel. Le rôle du pouvoir se réduit à maintenir les conditions de possibilité d’une société de marché, d’une société qui naît de la composition des libertés des acteurs. Le politique, c’est tout autre chose. C’est ce qui permet à la société de tenir ensemble. Il existe depuis toujours. La fonction du politique est de produire l’existence des sociétés humaines, car, à la différence des sociétés animales, elles n’ont pas d’existence naturelle. Les termites ou les castors ne délibèrent pas, que je sache, de leur organisation collective. Le propre des sociétés humaines est de s’autoproduire au travers du politique. Le politique assure aux sociétés une prise sur elles-mêmes. La question est de savoir ce que devient le politique dans nos sociétés où la politique a pris toute la place visible. L’illusion libérale est de croire que le politique est intégralement soluble dans la politique. En réalité, il est toujours là de manière invisible. Il a basculé dans l’infrastructure symbolique des sociétés. Pendant longtemps, il s’est présenté comme ce qui ordonnait les sociétés d’en haut. Maintenant, il produit leur cohérence par en bas. Il est le contenant invisible qui permet aux libertés individuelles de jouer sans plus avoir à se soucier de ce qui les lie. On a le signe de cette fonction cachée avec le poids que conserve l’État. Alors qu’il est censé ne plus servir à grand chose, personne n’arrive à s’en débarrasser ! Même aux États-Unis, où son rôle est plus limité qu’en Europe, il coûte 36 % de la richesse nationale. En fait, le politique est ce qui permet à la politique de fonctionner. »
Les tâches de la philosophie politique
- Faire sa propre histoire[9] (L’histoire de la philosophie politique a tendance à oublier sa raison d’être. La politique doit comprendre les raisons auxquelles elle obéit). L’histoire doit faire sa propre histoire parce que, contre l’enfermement dans le présent, la dimension généalogique y est plus tangible qu’ailleurs : ce qui nous tourne vers la pensée du passé, c’est l’indispensable recherche de nos commencements, p. 511
- Expliquer le parcours à l’envers et en accéléré que l’humanité refait[10] (l’histoire nous ramène au droit et le droit nous ramène au politique), tout se passe comme si nous refaisions le parcours à l’envers et en accéléré : l’histoire nous ramène au droit et le droit nous ramène au politique. C’est cet étonnant parcours qui détermine l’actualité de la philosophie politique.
- Etudier la résurgence[11] et l’évanescence[12] du politique. Le politique connait un dévoilement par évanescence. Il resurgit dans le moment et dans le prolongement du triomphe des principes démocratiques, en fonction même de cette victoire par une suite imprévue du retour du droit. Ensuite l’on comprend que quand il y a résurgence du droit, il y a résurgence du politique.
- Trouver la face visible et la face cachée de la démocratie[13]
- Trouver de quel droit la démocratie se réclame
- Etudier quelle politique sous-tend la démocratie
- Interroger le vertige intérieur qui retourne les démocraties contre leur support historico-politique et les ferme à l’intelligence à la fois de leurs bases et de leurs limites. Aussi seules l’histoire et la société sont capables d’expliquer la politique et le droit, en aucun cas on ne peut admettre le contraire.
Le politique est une vision philosophique. Toute philosophie a toujours des rapports à la philosophie politique puisque l’anthropocentrisme ne peut pas être mis à l’écart. En effet, l’homme a toujours été au cœur de toutes les innovations à tous les niveaux. Le politique permet d’expliquer les choses. Il est force de conclure que la philosophie a pour tâches principales l’identification du politique et la place qu’il occupe dans nos sociétés. De plus, à l’instar de Gauchet, il n’est pas impertinent d’affirmer que l’humanité est politique en ceci qu’elle se présente toujours et partout sous l’aspect d’une pluralité de communautés processuellement autonomes. Elle ne serait pas politique s’il existait ce que les auteurs classiques appelaient une société générale du genre humain.[14] p. 555
Bibliographie
E. Kant, Critique de la raison pure, trad. d’A. Renaut, Flammarion, Paris, 2001.
G. W. F. Hegel, la phénoménologie de l’esprit, trad. par Jean Hyppolite, Paris, Aubier, 1941.
Jean-Jacques Rousseau, le contrat social, Flammarion, Paris, 1762.
Marcel Gauchet, la condition politique, tel Gallimard, Paris, 2005.
Nicolas Machiavel, Le prince, (réédition Coll. idées, Paris, édition de 1997)
Thomas Hobbes, Le Léviathan, Gallimard, folio essais, trad. De G. Mairet, Paris, (réédition version 2000, 1027p.)
Dictionnaire de philosophie, Larousse, Paris, 1996.
[1]Dictionnaire de philosophie, Larousse, Paris, édition de 1996, 521p.
[2] Martin Legros et Nicolas Truong In Philosophie Mag, No 7, mars 2007: « Marcel Gauchet écrit la généalogie de notre condition moderne, de l’histoire politique des religions à la naissance de la psychiatrie, en passant par les nouveaux visages de l’enfance et de l’éducation. À l’écart des circuits balisés, il s’est imposé comme un témoin et un analyste privilégié de la vie politique »
[3] Jean-Jacques Rousseau, le contrat social, G. Flammarion, Paris, édition de 1984 (il sort du théologique pour essayer de faire comprendre que c’est l’homme qui doit changer les choses, c’est ainsi qu’il est aussi à l’origine de la Révolution Française). A voir notamment Jean Bodin, John Locke, et Thomas Hobbes dans Le Léviathan.
[4] Nicolas Machiavel (dit Machiavel), Le prince, idées, Paris, édition de 1997
[5] M. Gauchet pense que l’histoire du monde occidental est donnée par le christianisme qui est une religion à la sortie de la religion. Le désenchantement du monde, une histoire politique de la religion, Gallimard, Bibliothèque des Sciences Humaines, Paris, 1985
[6] Thomas Hobbes, Le Léviathan, Gallimard, folio essais, trad. De G. Mairet, Paris, édition de 2000, 1027p.
[7] G. W. F. Hegel, la phénoménologie de l’esprit (chapitre relatif à la dialectique du maitre et de l’esclave)
[8] E. Kant, Critique de la raison pure, trad. d’A. Renaut, Flammarion, Paris, édition de 2001, 749p.
[9] Marcel Gauchet, la condition politique, tel Gallimard, Paris, édition de 2005, p.509 « Nous ne sommes plus capables d’accéder à nous-mêmes, à notre identité, à la vérité de notre condition que par le détour du passé dont nous sortons et dont nous nous éloignons »
[10] Idem, p. 521
[11] Idem, p. 531
[12] Idem, p. 536 « Il nait et trouve sa nécessité dans la crise d’un genre nouveau vers laquelle se dirigent nos démocraties triomphantes »
[13] Le siècle des Lumières marque un approfondissement considérable de la réflexion sur la démocratie. Mettant l’accent sur la valeur absolue de la liberté individuelle, le philosophe anglais John Locke, auteur du Traité sur le gouvernement civil (1690), se prononce en faveur d’une monarchie constitutionnelle, où le souverain, tenant son pouvoir du pacte social et non plus du droit divin, peut être renversé par l’insurrection s’il outrepasse ses prérogatives. Poursuivant cette réflexion qui, sans remettre en cause le principe monarchique, s’interroge sur la forme que doit revêtir le pouvoir pour qu’il soit considéré comme légitime, Montesquieu fait franchir un pas décisif à la pensée politique en formulant la théorie de la séparation des pouvoirs, en vertu de laquelle une limitation réciproque des prérogatives de l’exécutif, du législatif et du judiciaire évite toute dérive vers l’absolutisme. Rompant avec cette optique qui, si elle définit un nouveau mode d’exercice du pouvoir, mettant l’accent sur la protection de l’individu dans la perspective du libéralisme, refuse de s’interroger sur l’origine du pouvoir, et refuse par exemple toute perspective de démocratie directe, Jean-Jacques Rousseau fait de toute forme de collectivité politique la résultante d’un contrat social, par lequel chaque citoyen, se soumettant à la volonté générale incarnée par le corps social dans son ensemble, est plus libre que s’il était isolé face au pouvoir d’un seul, et plus heureux puisque la collectivité favorise nécessairement le bonheur du plus grand nombre. Cette conception, qui fait primer le collectif sur l’individuel, est l’une des sources de la conception moderne de la démocratie, mais elle est entrée fréquemment en conflit avec le modèle de la démocratie représentative et libérale tel qu’il a été défini par les révolutions américaine et française.
Ces quatre dernières tâches concernant directement la démocratie permettent à l’auteur d’étudier la société au regard d’un régime qui admet « un pouvoir collectivement appropriable et un lien collectif individualisable »p.542
[14] Idem